Christine de SINT-TRUIDEN (+/- 1160-1224)- L’Admirable

Christina Mirabilis, Fasti Mariani calendrier des saints, 1630, fête du 24 juillet

Le dominicain Thomas de Cantimpré a écrit la vie de cette « extatica » ou « admirabilis » née en 1150 ou 1160 à Saint-Trond et décédée en 1224. Initiée par la famille pour devenir une bergère, Christine connaît ses premières expériences mystiques en pâturant les animaux. Jésus était constamment près d’elle. Son comportement et ses capacités, au-delà de la compréhension humaine, suscitent la répugnance et l’admiration. Elle n’a jamais été un être « socialement acceptable ».
Après une maladie dont elle s’est miraculeusement remise, elle commence une vie de prédication itinérante dans le diocèse de Liège, mais de manière discrète, car elle était convaincue que la prédication relevait de la responsabilité des prêtres. Pendant 9 ans elle vit à Borgloon avec Jutta, une anachorète. Nous savons qu’en 1259 à Borgloon, près de l’hôpital de Gratem, juste à l’extérieur des murs de la ville, il y avait une présence béguinale dans le service hospitalier (Simon, p. 42). Christina généralement mendie de porte à porte non pas pour elle, mais pour alléger les péchés de ceux qui la nourrissent. Si elle mange de la nourriture obtenue illégalement, elle tombe malade.
Son corps auquel elle avait infligé les pires épreuves, vers la fin de sa vie, lui est totalement soumis. Son expérience ressemble à celle d’un fakir (résistance au feu, eau bouillante, froid, poids écrasant), mais aussi se rapproche du chamanisme pour sa capacité à transformer le corps (oiseau, balle, femme-serpent) et à se guérir dans les moments de plus grande difficulté (lait de sa poitrine, huile produite par le corps …). Elle avait à cœur les âmes damnées Ayant visité l’enfer et le purgatoire lors d’une mort apparente, elle avait fait du salut de ces âmes le sens de son expiation. On le trouve sur l’échafaud des pendus et parmi les tombes des cimetières. Selon sa jubilation ou ses grands cris d’angoisse, les habitants peuvent connaître la destination surnaturelle du mourant. Au cours de ses extases, un son qui sortait de sa gorge et de sa poitrine causait des frissons à ses auditeurs. Lors de sa première inhumation, elle se lève et vole vers le plafond de l’église. La peur fait fuir toutes les personnes présentes. Elle retourne dans son corps après avoir choisi, comme un bodhisattva bouddhiste, de ne pas quitter la terre pour racheter les âmes du purgatoire et ainsi les sauver. Plus tard, avec son corps éthéré, elle vit parmi les arbres. Elle meurt en 1224 et est enterrée dans le monastère bénédictin où elle séjournait malade depuis trois semaines. Ses restes sont actuellement dans le sanctuaire des Rédemptoristes de Stennaert.

L’orientaliste Louis Massignon (1883-1962) fut très impressionné par cette femme dont le culte fut approuvé par Pie IX en 1857. Sur l’invitation du Père Van Straeten, recteur des Rédemptoristes qui conservent les reliques de la sainte dans les sanctuaires de Steenart, Louis Massignon prépare, à l’occasion du 7ème centenaire de la mort de Christine, une conférence qui se tiendra le 24 juillet (date anniversaire du décès) 1924. Le texte est ensuite publié dans La cité chrétienne et dans un volume en 1950. La figure de Christine frappe Massignon à différents niveaux, personnel et spirituel. Dans le Gedenkboek, publié en 1950, on lit: « Le professeur M. Massignon du Collège de France qui, en 1924, au 7ème centenaire de la mort de sainte Cristina, avait demandé à pouvoir glorifier la sainte en reconnaissant la grâce de sa conversion qu’elle attribue à notre Vierge de Saint Trond « (Massignon, p.350)
Jacques de Vitry dans le prologue à la vie de Marie (daté 1115, selon Greven) s’adresse à son ami l’évêque Foulque de Toulouse et parle, sans le nommer, de la « résurrection » de Christine et de ses expériences du Purgatoire sur terre, « et elle a longtemps été affligée par Dieu d’un châtiment extraordinaire … Elle conduisait quand je l’ai vue, écrit Jacques, les âmes sur le seuil du purgatoire, les faisant même traverser et les emmenant sans dommage au royaume suprême « . Ce témoignage de Jacques de Vitry a été repris par Thomas de Cantimpré, qui rassemble également – entre 1239 et 1249 – d’autres récits de ceux qui l’ont connue: le comte Louis de Looze, Jutta de Loon, son ami ermite et Thomas de St Truiden, ancien recteur de l’église de Santa Maria et ensuite 29e abbé du couvent bénédictin de San Trond. Mais son travail offre une image plutôt caricaturale et avide d’exagérations inutiles, bien qu’il reste la seule source après le XIVe siècle. Au fil des siècles, ce texte a été revisité et commenté.
Pour revenir à Massignon, ce qui l’a frappé, tout comme James of Vitry, est le rôle réparateur de Christina, cette perception que nous sommes en partie responsables des erreurs des autres et qu’il convient de les expier. C’est la substitution mystique, preuve universelle et triomphale du sacrifice de Jésus: Christina monte sur le gibet pour prier et souffrir aux côtés de criminels déjà étranglés, désireux d’arracher leur âme de la damnation en rejoignant leur torture physique. Cette vocation de victime, dont elle fut le premier cas complet et exclusif dans le christianisme occidental, se rencontre de plus en plus depuis le XIIIe siècle pour contrebalancer sans aucun doute le poids croissant des atrocités commises.
Massignon rencontre la figure de Christina à l’âge de 20 ans lorsqu’il voit une estampe en relief esquissée en 1902 à l’instigation de Huysmans. « Nous voyons Christina, les mains jointes, priant, en extase, perchée comme un oiseau sur le poteau le plus élevé, tandis que les torturés pour qui elle intercédait suspendaient leurs corps tordus au poteau inférieur du poteau; soleil brumeux Antithèse de l’innocence et du crime, confrontation entre le désespoir et la prière, invitation impérative à une méditation sur la mort« (Massignon, p.363).
« Cette empreinte est devant ses yeux tous les jours … tandis que son intervention inattendue a fait de moi un nouveau chrétien. Jésus est là, vigilant tandis que l’image de cette sainte Christina nous dit que rien n’est impossible en amour, que la prière peut tout oser, qu’elle portera notre âme à Dieu, pour toujours, hors de la prison de nos péchés, les tombes de nos bonnes résolutions décédées, nos sentiments paralysés, nos promesses trahies« (Massignon, p 364)
Christina, bien que présentée vêtue de la robe blanche cistercienne, n’était affiliée à aucun ordre et ses liens avec le monastère Sainte-Catherine de Sain-Trond semblent avoir été une hospitalité temporaire. Parmi ses manifestations surprenantes figuraient des extases ascétiques, des danses et des chants extatiques de liesse qui s’élevaient de sa poitrine.

Christina a pénétré également le monde de la musique rock:  Nick Cave lui a dédié une chanson dans l’album Henry’s Dream (1992). Pour écouter  “Christina the astonishing one” cliquez sur https://www.youtube.com/watch?v=5oD39kCEmwY

 

Sources :
De VITRY Jacques, Vie de Marie d’Oignies, avec supplément de Thomas Cantimpré, traduction et préface par André Wankenne, Société des études classiques, Namur, 1989
MASSIGNON Louis, Ecrits mémorables, Tome I, Laffont, Paris, 2009
SIMONS Walter, Cities of Ladies. Beguine communities in the Medieval Low Countries. 1200-1565, University of Pennsylvania Press, 2001
PIRON Sylvain Piron/ Thomas de Cantimpré et Armelle Le Huërou, Christine l’Admirable. Vie, chants et merveilles, éd. Vues de l’esprit, Bruxelles, 2021. De ce livre il existe une présentation en anglais faite par Silvana Panciera: : https://beguines.info/wp-content/uploads/2017/08/Christina-the-Astonishing-by-SylvainSilvana.pdf.

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